Il y a douze ans, le Land de Berlin a privatisé ses entreprises de gestion de l’eau au profit de Veolia et du conglomérat allemand RWE. Depuis, les tarifs de l’eau ont explosé ; mais jusque là, le Land, comme Veolia et RWE, avaient réussi à garder secrète la base contractuelle de ces augmentations de prix. Organisé à l’initiative de la Grüne Liga de Berlin, un referendum d’initiative populaire, le « Berliner Wassertisch », réclamait la publication puis l’annulation du contrat secret. A l’issue de la seconde étape du referendum, 265 400 signatures avaient été recueillies à la date du 27 octobre à 13 heures. Soit davantage que les 172 000 signatures requises pour obtenir la tenue d’un vote officiel sur la publication du contrat.
Le contrat et ses clauses confidentielles ont ainsi été publiés le samedi 30 octobre par la TAZ.
L’enquête de la TAZ révèle comment le gouvernement du Land a accordé aux entreprises privées une garantie de profit que même la Cour constitutionnelle du Land ne pouvait pas remettre en cause. Sur cette base, Veolia et RWE engrangent depuis lors chaque année des centaines de millions d’euros.
En 1999, le Land de Berlin avait vendu 49,9 % du capital de son entreprise publique d’eau à Veolia et RWE pour un montant de 3,3 milliards de marks, donnant naissance à Berlinwasser holding AG.
L’ancienne « entreprise locale gérée bureaucratiquement » étant dès lors vouée à devenir une « utilities », qui opère dans d’innombrables champs d’activité, et sert surtout de « faux nez » allemand à Veolia dans le reste du monde…
Les inquiétudes des opposants à la privatisation étaient plus que légitimes. Après la vente, les entreprises se sont radicalement débarrassées de leurs activités soumises à la concurrence, comme les télécommunications (Berlikomm) ou la valorisation des déchets (Schwarze Pumpe). Et se sont alors concentrées sur leur monopole : l’eau de Berlin. Au lieu des nouveaux postes de travail promis, le nombre d’emplois s’est réduit. On ne compte plus aujourd’hui que 5283 employés dans les services d’eau, y compris leurs filiales encore actives. En 1999, ils étaient encore 6265 personnes.
Les bénéfices ont par contre explosé dans le même temps, grâce à la « garantie de profit » que le Land a concédé à Veolia et RWE dans le contrat secret.
Les coûts de cette « garantie de profit » ont été inclus dans les tarifs de l’eau, et sont depuis lors supportés par les Berlinois.
Pourtant, dès 1999, la Cour constitutionnelle avait déclaré cette garantie de profit illégale. Car les contrats secrets stipulent que le Land de Berlin doit indemniser les actionnaires privés si cette « garantie de profit » n’est pas assurée par les bénéfices retirés de l’exploitation normale du service.
Pour y parvenir on a donc ponctionné les bénéfices du service d’eau, au détriment des finances du Land, qui en bénéficiait pleinement auparavant.
En 2004, le contrat initial a été modifié et ces clauses confidentielles, jusqu’alors accessibles, en ont été supprimées, mais reprises dans un protocole secret annexe.
Depuis lors, ce sont près de 40 % des services d’eau potable qui ont été, à l’identique, confiés au secteur privé en Allemagne, comme à Brême, Essen, Höxter, Gelsenkirchen, Dresde, Schwerin, Goslar, Cottbus ou Rostock. Autant de « privatisations de fait » dont les contrats n’ont encore été publiés nulle part.
Le dossier complet sur la privatisation de l’eau à Berlin et nombre d’autres textes ont été publiés dans le Sonntaz (l’édition dominicale du TAZ) du 30 octobre 2010.