Bilan 2017 d'Aren'Ice ou comment utiliser la presse locale

Dans la Gazette du Val d’Oise du 27 novembre 2018, un article finement intitulé « L’Aren’Ice a rompu la glace » mérite, à notre avis, le qualificatif de publireportage. Son sous-titre – En 2017, première année complète d’exploitation, la superpatinoire n’a pas dévissé. Fréquentation et finances sont au beau fixe, en attendant encore mieux – indique ainsi d’emblée qu’il se situera davantage dans un cadre promotionnel que dans celui du journalisme d’enquête.

C’est d’ailleurs par une citation de Dominique Lefebvre que nous entrons dans le vif du sujet : «Tous les objectifs espérés sont atteints voire dépassés» déclare le président de l’agglomération. La «superpatinoire» a réalisé 74 000 entrées grand public, au lieu des 38 000 prévues au contrat. Toutes activités confondues, ce sont 200 000 visiteurs qui se seraient rendus à Aren’Ice soit, nous dit-on, une fréquentation 5 fois supérieure à l’ancienne patinoire de la Préfecture.

Satisfaction pour les entrées, même si la progression en 2018 est en baisse pour avril et mai et est qualifiée de «légère» pour la période de l’été par rapport à 2017, satisfaction également pour les finances, puisqu’un excédent de 53 000 € est engrangé au lieu du déficit de 96 000 € qui était prévu par l’UCPA, le gestionnaire de l’établissement dans le cadre de la société dédiée Univers Glace*.

C’est seulement en fin d’article qu’il est fait référence à deux légers bémols : d’une part, contrairement aux centres de loisirs, les scolaires ne sont pas au rendez-vous, d’autre part les spectacles sont rares sur la glace de l’Aren’Ice. Mais Dominique Lefebvre, optimiste se fait rassurant : «On va y arriver progressivement».

Avec plus d’objectivité et moins de complaisance essayons de voir ce qu’il en est véritablement de cette réalisation cergypontaine.

Des chiffres de fréquentation instrumentalisés
D’après le rapport d’activité, ce ne sont pas 200 000 visiteurs qui se sont rendus à Aren’Ice en 2017, mais 178 995, soit une exagération de près de 12%. Par ailleurs, telle qu’elle est proposée, la comparaison avec l’ancienne patinoire de la Préfecture n’a aucune pertinence. Quand le journaliste reprend à son compte les propos de Dominique Lefebvre selon lesquels la fréquentation de la nouvelle patinoire serait 5 fois supérieure à l’ancienne, c’est comme s’il comparait les entrées du stade Roland Garros à celles du Palais Omnisport de Bercy. Les premières ne concernant que des rencontres de tennis ; les secondes toutes sortes de spectacles.

La seule comparaison valable est celle qui ne prend en compte que les seules entrées patinoire. Or, compte-tenu de la taille d’Aren’Ice et de sa zone de chalandise, il est difficile de considérer comme exceptionnel le chiffre de 73 920 entrées par rapport aux 30 000 entrées par an que la patinoire de la Préfecture réalisait avant sa fermeture.

Nous avons relevé cette observation dans la note CACP (page 3) : «La légère baisse de fréquentation en été 2018 par rapport à 2017 s’explique également par les très fortes chaleurs et le beau temps». Cela ne présage rien de bon pour les années à venir car nul n’ignore que les étés seront de plus en chauds.

Des activités insuffisantes
Lors du lancement d’Aren’Ice, on nous promettait des spectacles dans une salle modulable pour 4 500 spectateurs, des matches internationaux de hockey et des animations à foison, le site de la CACP annonçant encore + de 100 animations grand public par an. La réalité est bien différente quand on consulte l’agenda à venir sur le site d’Aren’Ice. Qu’on en juge sur six mois :

  • Décembre : 2 matches des Jokers. 1 matinée de Noël. Il s’agit simplement de «profiter de l’ambiance de Noël pendant le Jardin des Oursons, avec un invité surprise». Dominique Lefebvre déguisé en Père Noël ?
  • Janvier : 3 matches des Jokers. Aucune animation.
  • Février : 3 matches des Jokers. 1 soirée Saint-Valentin consistant à patiner « dans une ambiance romantique et festive ».
  • Mars : 1 match des Jokers – du 8 au 10, les 75 ans d’Holiday on Ice – championnats de France Novice de patinage artistique.
  • Avril : 3 jours de championnat de France des clubs de patinage artistique.
  • Mai : Rien

Après lecture de ce programme, on comprend mieux ce que voulait dire le journaliste de la Gazette quand il écrivait : «Bien conscients de la légèreté de la programmation, l’agglo et l’UCPA travaillent à la renforcer». En effet, il y a du boulot !

La fréquentation n’est pas totalement au rendez-vous, les spectacles sont aux abonnés absents, le siège de la Fédération Française de Hockey sur glace n’est pas encore installé et ne le sera au plus tôt que fin 2019. Le bilan élogieux sur la fréquentation mérite d’être reconsidéré. Mais qu’en est-il du côté financier ?

Les finances

Un investissement public déjà très important
Aren’Ice a coûté 44,8 M € d’investissements subventionnés à hauteur de 25 M € dont 4M € Etat, 14M € Région et 7M € la CACP. Il restait 20 M € à financer par l’exploitant.

Mais, en réalité, c’est la CACP qui va les payer au travers de la contribution annuelle d’obligation de service public (COSP) consentie dans le contrat de délégation conclu en février 2014 pour une durée de 20 ans. Elle s’est élevée à 3,611M € en 2017 dont 1,348M € de part fixe correspondant à l’amortissement des investissements et aux charges financières du délégataire.

La différence, à savoir 2,263M €, représente la contribution de la CACP au financement des charges de fonctionnement de la société Univers Glace. Ce dernier montant est à mettre en perspective avec celui des recettes d’exploitation perçues par le délégataire qui, malgré une fréquentation des installations présentée comme satisfaisante, ne s’élèvent qu’à 1,355M € en 2017 en retrait par rapport au montant prévisionnel de 1,578M € en raison du faible niveau des activités annexes.

Un délégataire bénéficiaire grâce à une contribution publique très généreuse
Néanmoins, le délégataire a encaissé en 2017 un bénéfice de 87 000 € avant impôt sur les sociétés auquel il convient d’ajouter le montant de 157 000 € correspondant aux intérêts perçus par les actionnaires dans le cadre des comptes courants d’associés, soit au total 240 000 €.

Au regard du seul montant des recettes d’exploitation la rentabilité réelle de l’exploitation, à hauteur de plus de 17,7% (240000/1355000), s’avère donc très avantageuse pour le délégataire. Cela n’a été rendu possible que par le montant très généreux de la contribution d’obligation de service public de 3,611M € versée par la CACP à son délégataire en 2017.

L’interrogation des associations de consommateurs
Les associations de la Commission Consultative des Services Publics Locaux (CCSPL) le 9 novembre 2018, ont fait remarquer que compte tenu de la subvention d’équipement de 7M € et de la COSP de 3,611M € versée par la CACP en 2017, le coût total d’Aren’Ice en investissement et en exploitation pourrait représenter pour la CACP, une charge importante, voire exorbitante pour les finances communautaires.

Cette charge peut être estimée à 80M € sur la durée de 20 ans du contrat de délégation. Rappelons que le coût annuel d’environ 4M € de cette charge, calculé sur cette base, représente plus de la moitié de l’augmentation du produit des impôts locaux communautaires décidée en 2016 (taxe d’habitation et taxe sur le foncier bâti appelées par la CACP dont la majoration cumulée était de l’ordre de 25%). Les amateurs de sport de glace, dont une grande partie au surplus n’habite pas Cergy-Pontoise, peuvent dire merci au contribuable cergypontain.

La société Univers Glace est domiciliée à Paris 14ème, 17 rue Rémy Dumoncel. Cela prive l’agglomération de la recette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui est partagée entre les Conseils Régionaux, Départementaux, les communes ou intercommunalités. Par ailleurs, pour quelle raison cette société a-t-elle demandé la confidentialité de ses comptes à partir de 2016 par application de l’article L232-25 du Code du Commerce ?

Au regard du nombre d’emplois créés (15 seulement en équivalent temps plein), inférieur aux prévisions, et du coût total dispendieux d’Aren’Ice pour les finances communautaires, les élus doivent s’interroger : pensent-ils sérieusement que les retombées à court, moyen et long terme d’Aren’Ice pour l’agglomération de Cergy-Pontoise sont ou seront réellement de nature à justifier un tel engagement financier ?

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Il serait cependant injuste de ne pointer du doigt que le journaliste de la Gazette du Val d’Oise. En effet, dans sa version en ligne du 26/11/2018, Le Parisien publiait à quelques petites différences près le même article. Les phénomènes de transmission de pensée entre journalistes étant rares, nous penchons plutôt pour une légèreté commune consistant à reprendre les chiffres et les éléments de langage fournis par la CACP et son président sans les vérifier.

Pendant l’entretien avec le journaliste de la Gazette, Dominique Lefebvre «affichait un visage satisfait» tandis qu’avec la journaliste du Parisien, il «avait le sourire». Gageons qu’il n’aura pas perdu cette bonne humeur à la lecture de ces deux articles fort bienveillants.

* UCPA, CFA (Financière Duval), COFELY Finances et Investissement, FIDEPPP 2.
FIDEPPP 2 (Fonds d’Investissement et de Développement des Partenariats Public-Privé), est un FCPR, Fonds Commun de Placement à Risques. Il est géré par la société MIRO-VA qui entend «répondre aux investisseurs qui recherchent du rendement»

2 commentaires pour Bilan 2017 d’Aren’Ice ou comment utiliser la presse locale

  • Jean-Pierre Reyal

    Impossible de créer un compte. Il y a un bug sur les capcha!

  • adminreg

    Merci pour votre message M. Reyal. Je viens de tester, et j’ai bien pu créer un compte. Le systeme de capcha fonctionne parfaitement.
    Pouvez vous tester à nouveau ? ou tester avec un autre navigateur éventuellement ?

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